Hatha Yoga Pradîpikâ: Deuxième chapitre : Nettoyage des Nadis et Prāṇāyāma

Les Nadi sont des canaux énergétiques, il y en a beaucoup, 72000 dit on,  mais 3 principaux : Ida (canal lunaire, le féminin) Piṅgalā (canal solaire, le masculin), et Suṣumṇā (neutre, prononcez “Shushumna”, au centre).

Le prana, l’énergie vitale y circule. Ils doivent être nettoyer pour une bonne circulation, et un meilleur contrôle du Prana, notamment durant les exercices de Prāṇāyāma.

Une Upanishad du 7 è siecle avant JC pose déjà quelques bases du Prāṇāyāma, puis Patanjali dans les sutras y revient sans grande précision.

La Goraksha-samhitâ ou Goraksha-paddhati écrit par Gorakshnâtha au Xème siècle (école du Natha Yoga) propose déjà un chapitre descriptif et précis de cette pratique, avec cependant un nombre limité de souflles.nadi-shodhana

Dans la Hatha Yoga Pradipika, 13 techniques en plus des nettoyages sont détaillées.

La source du texte est toujours  Christian Tikhomirov natha-yoga.com/hathayogapradika.htm

 

 

 

 

Voici donc son Chapitre II:

1) Maintenant le Yogi qui a dominé ses passions intérieures et qui a une alimentation équilibré et modérée, après qu’il ait acquis la stabilité dans l’âsana, doit pratiquer selon les enseignements de son Maître le Prânâyâma.

2) Quand la respiration est instable, le mental est instable; quand la respiration est stable, le mental est stable et le Yogi atteint l’immobilité. C’est pour quoi l’on doit maîtriser la respiration.

3) On dit qu’il y a la vie dans le corps tant qu’il y a le souffle vital; la mort correspond au départ du souffle vital: <c’est pourquoi il faut enfermer le souffle vital.

4) Lorsque les nâdî sont obstruées par des impuretés, le prâna ne peut circuler dans la sushmna: comment peut-on alors atteindre l’état non-mental? Comment peut-on atteindre la réalisation finale?

5) Quand le circuit entier des nâdî obstruées par les impuretés devient pur, alors le Yogi devient expert dans le prânâyâma.

6) C’est pour cela que le Yogi doit pratiquer constamment le prânâyâma avec le mental imprégné de l’élément Sattva, jusqu’à ce que les impuretés qui se trouvent dans la nâdî sushumnâ soient éliminées.

7) Le Yogi s’étant assis en padmâsana doit inspirer le prâna avec la narine gauche et, après l’avoir retenu le plus longtemps possible, qu’il l’expire avec la narine droite.

8) Ensuite il doit inspirer lentement le prâna par la narine solaire jusque dans son ventre; Après avoir effectué la rétention de souffle comme il a été dit, il doit expirer par la narine lunaire.

9) Ainsi doit-on inspirer avec la narine par laquelle on vient d’expirer, puis retenir le prâna le plus longtemps possible et ensuite expirer doucement par l’autre narine, sans acoup.

10) Si l’on inspire le prâna par Idâ, après l’avoir retenu, on doit expirer par l’autre nâdî. Après avoir inspiré avec Pingalâ, et avoir retenu le souffle, on doit l’expirer par la nâdî gauche. Chez ceux qui savent se dominer et qui pratiquent continuellement de la façon prescrite l’exercice de respiration alternée à travers idâ et pingalâ, l’ensemble des nâdî est purifié en trois mois.

Goraksha-paddhati, texte de l’école nâtha écrit par Gorakshnâtha, date du Xème siècle. Il est également nommé

11) Il faut pratiquer les rétentions de souffle (dans le prânâyâma) quatre fois par jour: à l’aube, à midi, au crépuscule et à minuit, progressivement jusqu’à en faire 80 à chaque fois.

12) Cette pratique produit au stade initial un grande chaleur, au stade intermédiaire des tremblements et au stade ultime elle permet d’atteindre le lieu appelé la porte de brahma (Brahmarandhra): C’est pour cela que l’on doit contrôler le prâna.

13) On doit se frotter avec la transpiration produite par cet effort: grâce à cela le corps obtient force et légèreté.

14) Au début de la pratique une nourriture riche en lait et en beurre clarifié est prescrite; Quand la pratique est bien installée cette prescription devient inutile.

15) Comme un lion, un éléphant, un tigre ne peuvent être domptés que très progressivement, de la même façon doit-on faire avec le prâna, autrement il détruit celui qui le pratique.

16) Toutes les maladie disparaissent grâce au prânâyâma correctement exécuté. Par contre une pratique incorrecte engendre toutes sortes de maladies.

17) Le hoquet, l’essoufflement, la toux, les douleurs de tête, d’oreilles, d’yeux et d’autres maladies viennent du dérèglement du prâna.

18) On doit inspirer le prâna, l’expirer et le retenir selon la méthode correcte: ainsi obtient-on la parfaite réalisation de ses pouvoirs.

19) Quand les nâdî sont nettoyées apparaissent sans aucun doute des signes extérieurs: minceur et beauté du corps.

20) En conséquence de ce nettoyage des nâdî naît la capacité de retenir son souffle à volonté, le feu digestif se ravive, le son intérieur se manifeste et la bonne santé s’installe.

21) Celui qui souffre d’un excès de graisse ou de flegme doit, avant de commencer le prânâyâma, pratiquer les six actes purificatoires; les autres n’ont pas besoin de les accomplir parce que les trois éléments sont déjà équilibrés en eux..

22) Ces six actes sont: dhauti, vasti, neti, trâtaka, nauli et kapâlabhâti.

23) Ces six actes qui sont des moyens pour purifier le corps doivent être tenus secrets; Doués de qualités extra-ordinaires, ceux-ci sont considérés comme étant parmi les meilleures pratiques par les Yogi.

Dhauti: nettoyage interne.
24) On doit avaler lentement, selon les directives du Maître, une bande d’étoffe humide longue de 15 hasta (+/- 50 cm) et large de 4 doigts; ensuite on doit la ressortir. Cet acte est appelé dhauti.

25) La toux, l’essoufflement, le dérèglement de la rate, la lèpre ainsi qu’une vingtaine de maladies dues au flegme sont éliminées grâce au pouvoir du dhauti-karman, il n’y a là-dessus aucun doute possible.

Vasti: lavement.
26) On se met dans l’eau jusqu’au nombril dans la posture utkatâsana, on insère une canule dans l’anus; puis on contracte le rectum et on exécute le lavement: ceci est vasti-karman.

27) Par le pouvoir de vasti-karman on peut vaincre toutes les maladies issues du vent, du feu et du flegme; le dilatation de la rate, toutes formes de maladies abdominales et l’hydropisie.

28) Le vasti pratiqué dans l’eau pure, effectué régulièrement, améliore le fonctionnement des constituants du corps (rasa, rakta, mâmsa, medas, asthi, majjâ, sûkra) , donne la beauté et détruit l’évolution de toutes les affections morbides.

Neti
29) On introduit un petit cordon long de 40 cm, bien lubrifié, dans une narine et on le fait sortir par la bouche: ceci est appelé neti par les siddha.

30) Neti purifie la tête, procure la vision divine (subtile) et élimine rapidement toutes les sortes de maladies qui peuvent se manifester au dessus des épaules.

Trâtaka.
31) On doit fixer avec les yeux immobiles et l’esprit très concentré un petit objet jusqu’à ce que les larmes coulent: ceci est appelé par les Maîtres trâtaka.

32) Trâtaka libère des maladies oculaires et barre la porte à l’indolence: c’est pour cela qu’il doit être tenu secret avec détermination, comme s’il était un coffret plein d’or.

Nauli.
33) Les épaules étant inclinées, on doit agiter le ventre de gauche à droite avec la puissance d’un tourbillon: cela est appelé nauli par les siddha.

34) Ce nauli, couronnement des exercices du Hatha-Yoga, ranime le feu gastrique affaiblit, augmente la puissance de la digestion, donne une joie continuelle et détruit tous les malheurs.

Kapâlabhâti.
35) Lorsque l’expiration et l’inspiration sont rapides comme un soufflet de forgeron, cette pratique est connue comme étant le kapâlabhâti qui détruit les maladies issues du flegme.

36) Après avoir éliminé l’obésité, les désordres causés par le flegme, les impuretés, etc. grâce aux six actes, il faut pratiquer le prânâyâma: alors le succès sera obtenu sans effort.

37) Toutes fois certains Maîtres disent que toutes les impuretés sont détruites par le prânâyâma et ne conseillent aucune autre action.

Gajakaranî: l’acte de l’éléphant.
38) Après avoir fait monter apâna jusque dans l’oesophage, il faut vomir les substances contenues dans l’estomac. Ceux qui pratiquent progressivement cette technique peuvent connaître et maîtriser le circuit des nâdî. Ceux qui sont experts en Hatha-Yoga appellent cette technique gajakaranî.

39) Même Brahmâ et les trente dieux à cause de la terreur que leur inspirent la mort pratiquent intensément le contrôle du souffle vital: C’est pourquoi on doit pratiquer le prânâyâma.

40) Quand le prâna est arrêté dans le corps, quand le mental est parfaitement concentré, quand le regard se fixe dans la shambavi, qui peut avoir peur de la mort?

41) Quand le circuit des nâdî est nettoyé par la pratique correcte du prânâyâma, le souffle vital pénètre aisément dans la sushumnâ après en avoir percé l’ouverture.

42) Quand le souffle vital est entré dans cette voie du milieu le mental devient stable et paisible: cet état d’immobilité mentale est le stade appelé manonmanî.

43) Ceux qui en connaissent les règles pratiquent les différents types de kumbhaka afin de réaliser l’état non mental. On obtient divers pouvoirs par la pratiques de ces diverses kumbhaka.

Kumbhakabheda
les différents types de kumbhaka.44) Les kumbhaka sont huit: sûryabhedana, ujjâyin, sîtkârin, shîtalî, bhastrikâ, bhrâmarin, mûrcchâ et plâvinî.

45) La fin de l’inspiration doit être suivie par le bandha appelé jâlandhara. La fin de la rétention et le début de l’expiration doit être accompli uddîyâna-bandha.

46) Contractant simultanément la gorge et la partie basse du corps (périnée) et tirant vers le dos la région abdominale, le prâna peut pénétrer dans brahmanâdî.

47) Le yogi qui tire le souffle descendant (apâna) vers le haut et qui pousse le souffle montant (prâna) à la gorge vers le bas est libéré de la vieillesse et retrouve la vigueur d’un enfant de 16 ans.

Sûryabhedana
48) le yogi, s’étant mis en posture sur un siège confortable, inspire lentement l’air extérieur avec la narine droite.

49) Il retient son souffle jusqu’à la limite de ses propres capacités de sorte que le prâna arrive jusque dans ses cheveux et au bout de ses ongles. Puis, le plus lentement possible, il doit expirer le souffle vital par sa narine gauche.

50) Sûryabhedana doit être pratiqué continuellement car il purifie la tête, détruit les malheurs issus d’un dysfonctionnement du vent ainsi que les maladies causées par les vers.

Ujjâyin.
51) La bouche étant fermée, on inspire lentement l’air par les deux narines, de façon à ce qu’il parcoure le corps de la gorge au coeur en produisant un son.

52) On doit retenir le prâna comme indiqué précédemment pour l’expirer ensuite par la narine gauche. Ceci élimine les maladies de la gorge dues au flegme et augmente le feu gastrique dans tout le corps.

53) Cela aboutit à l’élimination des troubles dans les nâdî, de l’hydropisie et des maladies qui concernent les constituants du corps (dhâtu). La rétention de souffle appelée ujjâyin peut être exécutée aussi bien en étant immobile qu’en marchant.

Sîtkârin.
54) Il faut émettre le son “Sît” avec la bouche durant l’inspiration et expirer avec les seules narines: grâce à une pratique constante (de sîtkârin) on devient un deuxième Dieu de l’amour (Kâma).

55) Celui qui pratique sîtkârin est vénéré par l’ensemble des yoginî. Il est Maître de l’émission et de la résorption (les siennes et l’équivalent sur le plan universel). Ni la faim, ni la soif, ni le sommeil, ni la paresse ne se manifeste désormais en lui.

56) Grâce à cette pratique le yogi, libéré de toutes infortunes, acquierre une puissance inouïe et devient sans aucun doute le meilleur de tous les yogi du monde.

Shîtalî.
57) Il faut inspirer l’air avec la langue, puis accomplir la rétention du souffle comme indiqué précédemment, et enfin expirer lentement l’air avec les deux narines.

58) La kumbhaka nommée Shîtalî détruit complètement toutes les maladies de l’estomac, les désordres de la rate, etc., la fièvre, les crises de bile, la faim, la soif et tous venins ingérés.

Bhastrikâ.
59) Quand on place ensembles les plantes des pieds, de la façon correcte, sur les cuisses, cela s’appelle Padmâsana qui élimine tout empêchement (dans la voie du yoga).

60) Après avoir pris impeccablement Padmâsana, le mental stabilisé, le coup et le dos parfaitement alignés, on ferme la bouche et on expire avec force par une narine.

61) Ainsi doit-on faire circuler le prâna dans la poitrine, la gorge, jusque dans la tête en produisant un son. Puis l’on doit inspirer l’air avec force jusque dans le lotus du coeur.

62) Ensuite on expire de nouveau, comme précédemment indiqué, et on inspire, et ainsi sans arrêt. De la même façon que le soufflet est utilisé violemment par le forgeron,

63) de la même façon doit on faire méthodiquement avec l’air qui est dans le corps. Quand le corps se fatigue, on doit inspirer par la narine droite.

64) On ne doit pas attendre que la cage thoracique se remplisse, et fermer puissamment les narines, sans utiliser l’index et le majeur.

65) Après avoir exécuté kumbhaka comme il est prescrit, on expire le prâna par idâ nâdî. Ceci augmente le feu du ventre dans le corps et détruit les maladies qui leur origine dans la perturbation des éléments vâta, pitta et kapha.

66) Ce bhastrikâ est auspicieux, il réveille rapidement kundalinî, nettoie, donne du plaisir. Il élimine le blocage de kapha qui se trouve à la base du brahmanâdî.

67) Il perce les trois noeuds (granthi) qui se trouvent immuablement le long de la Sushumnâ. C’est pour cette raison que ce kumbhaka appelé bhastrikâ doit être pratiqué sans faille.

Bhrâmarin.
68) L’inspiration, particulièrement violente, doit produire un son similaire au bourdonnement d’une abeille mâle. L’expiration, très douce, doit produire un son pareil à celui d’une abeille femelle. Grâce à la pratique de cet exercice, béatitude et plaisir apparaissent dans la conscience des meilleurs parmi les Yogi.

Mûrcchâ.
69) A la fin de l’inspiration, jâlandhara étant fermement mis, on expire lentement: Ceci est appelé mûrcchâ qui donne joie te évanouissement de l’esprit.

Plâvinî.
70) Le yogi qui a le ventre plein de l’air qu’il a abondamment inspiré dans tout son corps flotte avec facilité sur une eau profonde, comme une feuille de lotus.

71) Le prânâyâma est connu comme triple: composé de recaka, pûraka et kumbhaka. Kumbhaka est considéré comme double, l’un est sahita et l’autre kevala.

72) Il faut pratiquer sahita kumbhaka jusqu’à ce que l’on obtienne le succès dans kevala kumbhaka qui est la suspension, plein d’aisance, du prâna après que inspiration ou expiration aient disparus.

73) Kevala kumbhaka: c’est lui seul qui doit être appelé prânâyâma. Une fois que le Yogi est devenu expert dans kevala kumbhaka, sans inspiration ni expiration,

74) il n’existe pour lui plus aucune chose difficile à obtenir dans les trois mondes. Celui qui est capable , grâce à kevala kumbhaka, de retenir son souffle autant qu’il le désire,

75) atteint le stade du Râja-Yoga, il n’y a aucun doute. Grâce au kumbhaka s’éveille kundalinî; grâce au réveil de kundalinî susumnâ est débarrassé de ce qui l’obstruait et le succès dans le Hatha-Yoga est atteint.

76) Le Râja-Yoga ne réussit pas sans le Hatha-Yoga, pas plus que le Hatha-Yoga sans le Râja-Yoga; C’est pour cela qu’on les pratique ensembles jusqu’à la réalisation finale.

77) A la fin de la rétention du souffle réalisée grâce au kumbhaka le mental doit être sans support: En fait, au moyen de cette pratique, on se hisse au niveau du Râja-Yoga.

78) Les indices du succès dans le Hatha-Yoga sont la minceur du corps, le teint lumineux, l’audition du son intérieur, une vision extrêmement claire, la santé, le contrôle du sperme, l’accroissement du feu intérieur et le nettoyage complet du circuit des nâdî.